Le nombre de chimiothérapies devrait doubler d’ici 2040. Le développement des chimiothérapies administrées par voie orale et l’arrivée prochaine des entretiens pharmaceutiques pour les patients sous anticancéreux oraux incitent groupements et titulaires à investir le champ des soins de support. Avec un leitmotiv : aider les patients à mieux supporter leurs traitements en limitant les effets indésirables.
par YVES RIVOAL
La première chose à faire avant d’investir dans l’accompagnement des patients atteints d’un cancer, c’est de se former. Férue d’homéopathie, Martine Andreu, titulaire de la pharmacie de Bages près de Perpignan (66), a ainsi fait suivre à l’ensemble de son équipe une première formation dédiée à l’homéopathie et l’oncologie, puis une seconde sur l’accompagnement psychologique du patient cancéreux. « Cette journée de formation en présentiel a été très précieuse, car elle nous permet de savoir ce que l’on peut dire et ne pas dire à ces patients, qui sont, en général, très fragilisés. Du coup, l’équipe se sent mieux armée pour les accueillir et les prendre en charge« , commente cette adhérente de la Coopérative des Pharmaciens du Sud, qui a, en parallèle, suivi avec sa pharmacienne assistante une formation sur les médicaments anticancéreux et les thérapies ciblées ». « Grâce à cette formation, nous connaissons les différentes classes de médicaments anticancéreux et les effets indésirables qu’ils sont susceptibles de générer. Ce qui nous permet de proposer des soins de support adaptés, sans risque d’interaction qui pourraient nuire à l’efficacité des traitements ». Co-titulaire avec sa mère, Sylvia Gozlan, de la pharmacie Gozlan-Haziza à Achères (78), Katia Haziza met, elle, à profil son DU en naturothérapie pour accompagner ses patients cancéreux. « J’ai aussi suivi, avec une de nos préparatrices, une formation e-leaning sur l’accompagnement des patients chroniques sous chimiothérapie. Et avant de proposer des prothèses mammaires, nous avons aussi assisté à une formation de cinq jours délivrée par le laboratoire Amoena« , confie cette pharmacienne well & well. Titulaire de la pharmacie du Trébon à Arles, Françoise Roux a, elle, obtenu un premier DU de pharmacologie oncologique en 2007 et un second en 2014 sur les effets secondaires des chimiothérapies ciblées en oncodermatologie. Cette pharmacienne Giphar n’hésite donc pas à mettre en avant son expertise lors de la première prise de contact avec les patients. « Je leur explique que je me suis formée pour être le Mac Gyver de leur traitement, l’objectif étant qu’ils puissent aller jusqu’au bout de leur chimiothérapie, dans les meilleures conditions possibles, et en limitant au maximum l’impact sur leur vie au quotidien« .
Des entretiens avant l’heure
Chantal Compeyron, titulaire de la Pharmacie Lafayette Foch à Rodez (12) n’a pas attendu le lancement des entretiens pharmaceutiques pour les patients sous chimiothérapie orale, pour proposer de véritables programmes d’accompagnement. « Après le premier entretien, je propose aux patients un rendez-vous par mois ou toutes les trois semaines en fonction du rythme de la chimio ou des rayons. » A partir des résultats des bilans biologiques, elle préconise hépatique. « Et lorsque le protocole est terminé, nous travaillons sur les risques de récidive en consolidant notamment la fonction immunitaire », ajoute la pharmacienne Katia Haziza et Sylvia Gozlan, animent, elles, un programme composé de deux entretiens. « Le premier dure une trentaine de minutes et est consacré à l’explication du traitement et à l’anticipation des effets secondaires. A la fin, je remets le guide d’accompagnement « Mieux vivre avec sa chimio » que j’ai moi-même rédigé, et qui comprend une série de fiches pour lutter contre les principaux effets indésirables« . Le second entretien porte sur la dénutrition et peut intervenir en cours de traitement.
Trouver les mots justes
ETRE A L’ECOUTE.
Cette première prise de contact doit intervenir le plus tôt possible. « Dès que je vois sur un comptoir un sérum bicarbonaté et de l’emend, je m’approche du patient pour lui demander discrètement ce qu’il lui arrive, confie Martine Andreu. Si je sens qu’il a besoin de parler, je l’invite à aller dans notre salle d’entretiens pharmaceutiques pour ouvrir le dialogue« .
Ce premier échange se révèle toujours délicat, comme l’explique Marlène Hébérard, coordinatrice pédagogique en charge de l’oncologie chez Principe Actif Formation. « L’annonce d’un cancer, quel que soit le stade de la maladie, constitue toujours un choc. Alors, il faut privilégier l’écoute, repérer d’éventuels signes de dépression et s’assurer que le patient est bien entouré... »
Adeline Lejeune, co-titulaire avec Romain Chambon de la grande pharmacie de La Verpillère (38), est confrontée au quotidien à cette réalité. « De plus en plus de patients arrivent à l’officine alors qu’ils viennent d’apprendre la terrible nouvelle, souligne cette pharmacienne Hello Pharmacie. Ils savent qu’ils vont bientôt démarrer la chimiothérapie ou la radiothérapie, et ils sont complètement perdus avec la multitude d’ordonnances prescrites par l’oncologue. Dans ce cas, nous les isolons dans notre espace confidentiel, afin de nous assurer qu’ils ont besoin compris les traitements qu’ils s’apprêtent à suivre. Si ce n’est pas le cas, nous prenons le temps de leur réexpliquer. »
SOULAGER.
A l’issue de ce premier échange, Isidore Rubinstein, titulaire de la pharmacie du Pont de l’Europe à Strasbourg (67), remet au patient un fascicule consacré aux soins de support à l’officine. « Celui-ci explique quelle stratégie adopter pour prendre en charge les effets secondaires provoqués par la chimiothérapie et la radiothérapie, et pour renforcer le système immunitaire », explique ce titulaire Univers Pharmacie qui intervient dans les DU d’Homéopathie et de Cancérologie de la Faculté de Pharmacie de Strasbourg. Le patient repart également avec un carnet de suivi officinal sur lequel il peut noter les coordonnées de l’équipe médicale et médico-sociale qui l’accompagnera tout au long du traitement. « Il peut aussi indiquer l’évolution des paramètres fondamentaux, comme le poids ou la température, des notes personnelles ou les questions qu’il souhaite poser à son oncologue lors du prochain rendez-vous », précise Isidore Rubinstein.
AGIR en connaissance de cause
DE PRECIEUX conseils. Tous les pharmaciens ayant investi le champ de l’accompagnement des patients cancéreux ont développé une expertise sur les soins de support. Objectif : proposer des solutions afin de protéger l’organisme et de mieux supporter les traitements. « Mais avant de prodiguer des conseils, il est impératif de connaître le protocole de chimiothérapie suivi par le patient afin d’éviter les risques d’interaction », rappelle Françoise Roux, qui s’appuie sur l’homéopathie. Elle propose, par exemple, des ampoules de meduloss à base de moelle de lapin qui, diluée et dynamisée, favorise la régénération de la moelle osseuse. « Et si le protocole de chimiothérapie entraîne un risque nécrose du tissu cardiaque, je conseille des ampoules à base de cardine qui vont stimuler qui vont stimuler la régénération du tissu cardiaque ». En cas de fatigue ou d’asthénie, Chantal Compeyron, co-titulaire avec son frère Bruno de la pharmacie Lafayette Foch à Rodez (12), s’attache, elle, à renforcer les défenses de l’organisme. « Je conseille alors de la vitamine C liposomale coenzyme Q10, propolis et autres selon les cas », confie la pharmacienne. Lorsque les patients n’arrivent plus à manger et perdent du poids. Adeline Lejeune prodigue des conseils de bon sens. « Je leur rappelle qu’il faut manger dès qu’ils ont faim, par petite portion, et plutôt froid ».
Pharmacien Manager n°192 – novembre 2019